Quel avenir pour la centrale biomasse de Gardanne ? (Photo: Robert Wood) |
Pour les marchés des bois de la nouvelle Région Sud –anciennement Paca- les interrogations ne manquent pas en ce début d’année 2019. De fait, l’avenir des 2 plus grosses unités de transformation de la région interroge. D’une part, l’usine de pâte à papier de Fibre Excellence à Tarascon (Bouches-du-Rhône) sort d’une passe difficile. D’autre part, dans le même département, la méga centrale biomasse Uniper de Gardanne -qui n’a jamais vraiment tourné normalement- est en passe d’être vendue. Ensemble et à pleine capacité, ces 2 unités engloutissent pas loin de 3 millions de m3 de bois par an.
Pour Tarascon, l’exercice qui vient de s’achever a été caractérisé par l’arrêt total de la production de pâte lors de l’été dernier. Du 28 mai au 10 août 2018, les portes de l’usine de Fibre Excellence sont en effet restées totalement closes. L’obsolescence de l’usine et ses rejets nocifs dans l’environnement n’ont fait que multiplier les plaintes des riverains ces dernières années. Les Pouvoirs publics ont mis en demeure le propriétaire indonésien de ce site classé Seveso 2 de se mettre enfin en conformité avec la loi.
Face à la menace d’une éventuelle fermeture de l’usine, le groupe Fibre Excellence a décidé de gros investissements afin de limiter drastiquement rejets divers et effluents. Quelque 40 millions d’euros ont été engagés dans un programme de rénovation sur 2017 à 2019. Les premiers résultats sont encourageants et l’usine a reçu l’autorisation de redémarrer à la mi-août 2018. « Nous montons actuellement et progressivement en puissance dans l’objectif d’atteindre notre pleine capacité opérationnelle au 4ème trimestre 2019. Ceci induira des approvisionnements en bois qui retrouveront une cadence normale, soit 1,2 million de tonnes de bois par an », déclarait dernièrement Philippe Gaudron, le directeur général de la Holding Fibre Excellence SAS.
À la centrale biomasse de Gardanne (150 MW), la situation est beaucoup plus compliquée. En l’espace de 4 ans, l’usine dénommée « Provence 4 Biomasse » a changé 3 fois de main. Uniper a annoncé fin 2018 être entré en négociations exclusives avec le groupe EPH appartenant au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. À la tête d’un empire des médias dans son pays, celui-ci vient de prendre également une participation dans le quotidien Le Monde.
Depuis son lancement, « Provence 4 Biomasse » n’a connu que des déboires. Les associations écologistes se sont d’abord dressées contre un projet qu’elles jugeaient pharaonique car avalant annuellement 1,1 million de m3 de bois dans une région forestière très peu productive. D’où, d’après les écologistes, des risques avérés de surexploitation de la forêt provençale. Par ailleurs, la mise en route de Gardanne n’a pas été un long fleuve tranquille, de multiples disfonctionnements techniques survenant à maintes reprises. Enfin, un climat social très délétère provoquait des grèves à répétition empêchant la centrale de monter puissance quand elle commençait à fonctionner.
Cependant, le flou qui entoure l’avenir de Gardanne, notamment les objectifs du nouveau propriétaire, ne semble pas apaiser les tensions sur les marchés des bois en Région Sud. D’autant plus que la centrale biomasse Sylviana de Brignoles (Var) tourne à plein régime (180 000 tonnes de bois consommées/an) et que l’horizon s’éclaircit pour l’usine de pâte de Tarascon. Aux dernières ventes de bois sur pied de l’ONF, les cours sont demeurés à des niveaux de prix conséquents pour des produits de moindre valeur (voir tableau 1). Le marché du bois bûche est particulièrement florissant dans le sud (voir tableau 2), alors que celui des plaquettes forestières suit les indices de prix nationaux (tableau 3).
D’après les exploitants forestiers, le bois mobilisable dans des conditions économiques normales manque dans la Région Sud. « Le massif provençal possède ses limites de potentiel ligneux exploitable, notamment en coupes mécanisables. De plus, l’ONF et la coopérative Provence Forêt privilégient les ventes par contrat directement avec les gros transformateurs. En conséquence, les volumes de ventes sur pied se réduisent et les prix ont doublé sur les 5 dernières années », affirme l’exploitant forestier Hélian Pirola. Et si Gardanne entre enfin en rythme de croisière prochainement, les cours des bois risquent encore de grimper en 2019 dans toute la partie sud-est de l’Hexagone.
Tableau 1 :
COURS DES BOIS SUR PIED EN RÉGION SUD |
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Bois tout du long |
Prix mini |
Prix moyen |
Prix maxi |
Pin d’Alep |
17 |
23-25 |
28-30 |
Chêne blanc |
10 |
18 |
23-25 |
Remarque : les prix et le niveau des invendus varient considérablement en fonction :
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Source : Robert Wood
Tableau 2 :
LES PRIX DU BOIS BÛCHE EN PROVENCE-CÔTE D’AZUR |
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Chêne/hêtre/charme |
1 m |
0,5 m |
0,33 m |
Prix mini |
65 |
70 |
80 |
Prix maxi |
75 |
88 |
98 |
Source : Robert Wood
Tableau 3 :
LES TARIFS DES PLAQUETTES FORESTIÈRES SUR LE MARCHÉ NATIONAL |
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Prix en €, 3 T 2018 |
Indice (100 = 01/2012) |
Variation |
Variation |
Petite granulométrie |
79,20 |
103,8 |
+0,8% |
+7,5% |
Moyenne granulométrie |
56,35 |
100,1 |
-4% |
+3,8% |
Granulométrie grossière |
47,80 |
109,1 |
-1,9% |
+2,9% |
Source : Robert Wood, d’après extrapolation prix CEEB