La difficile gestation de l’acoustique biogéosourcée

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Jonas Tophoven Fordaq
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Les acousticiens bas carbone, menés par Bertrand de Bastiani d’Acoustb (Egis), venaient déjà régulièrement faire le point de leurs travaux au Forum du temps d’AdivBois. Leur grande avancée a été la création d’une maquette acoustique à base de CLT bâtie pendant le COVID au FCBA de Bordeaux. Comme le détaille l’acousticien Jean-Louis Kouyoumji, la maquette a été utilisée depuis par le Basque AMC pour mesurer les performances de nouveaux produits. Mais on sent bien que cette installation unique a du mal à fonctionner. 

Pourtant, comme l’évoque Karin Le Tyrant au 13e Forum, atelier C1, les acousticiens bas carbone ont été poussés à mesurer le CLT nu, puis il a fallu tenir compte de l’incendie. Actuellement, il y aurait énormément à faire en associant des planchers CLT à des parois ultra-isolantes en paille, ou à la terre crue également utilisable en chape, comme cela est évoqué par le rapporteur du projet Carac’terre. Sans oublier bien sûr toutes les mesures associant les isolants biosourcés et la terre crue à l’ossature bois traditionnelle.

En face, il y a le béton, facile, fiable, performant, mesuré tant de fois. Comment rivaliser avec des systèmes si diversifiés ou très peu de choses sont mesurées, ce qui entraîne des surdimensionnements, des surcoûts et profite en retour aux solutions béton ? Comment financer des campagnes d’essai qui dépasse le bois, et portent aussi sur le biosourcé et même la terre crue ? Le Codifab rechigne déjà à financer les essais vibratoires liés par exemple à l’incidence des machines à laver, sans parler des pompes à chaleur.

La route est longue, mais l’ADEME a pris les biosourcés sous sa houlette et avancera aussi sur le plan acoustique, tandis que le projet Carac’terre se rend compte de la forte présence du bois dans les configurations, et lance un appel à réalisations pour effectuer des mesures in situ. C’est le far west actuel de l’acoustique du Bâtiment. Et dans ce far west, au moment où Carac’terre se lance, Cycle Terre à Sevran en banlieue parisienne interrompt sa production.

Depuis l’édition 2023 du Forum en avril 2023, l’ambition du programme est de présenter le développement d’une nouvelle acoustique biosourcée, voire géosourcée. A Lille, il a surtout été question de faire le lien avec les travaux d’AdivBois, et de mettre en avant les mesures intéressantes d’opérations mixtes comme la tour le Berlier ZAC Bruneseau. Pour l’édition de Nancy en avril 2024, il était question d’avancer sur cette nouvelle discipline malgré les difficultés institutionnelles, la CAPEB ayant repris le flambeau mais le Codifab hésitant à financer des opérations allant au-delà du bois.

Résultat, l’atelier de 1h30, animé par Acoustb, AIDA, Gamba, Lasa et le FCBA, n’a finalement accordé qu’une partie de son temps à l’acoustique biogéosourcée, avec des mesures un peu anciennes ou partielle pour ce qui concerne la paille, et très peu de données réelles pour l’interaction acoustique biogéosourcée. C’est en soi une information, il y a un manque criant, mais voilà, on est au début de l’histoire, et il faut bien se rendre compte que les solutions constructives très bas carbone, soit RE2028 ou RE2031, ne disposent aujourd’hui que de très peu de références constructives, et encore moins de données acoustiques mesurées.

Tout de même, l’atelier C1 permet de glaner quelques informations utiles. Ainsi, dans la confirmation d’une étude CEREMA de 2017, le recours aux isolants biosourcés en remplacement de la laine minérale, notamment de la fibre de bois, ne pose pas de problèmes acoustiques. La configuration particulière de la Ferme du Rail à Paris, avec des parois en paille et le recours à des planchers en ouate de cellulose, convient également dans la configuration adoptée. La paille porteuse dispose également de mesures, pas encore complètes au moment du Forum à cause d’un retard sur le chantier, mais montrant l’intérêt de ne pas doubler vers l’intérieur une paroi en paille porteuse simplement enduite.

Dans le cas de la Ferme du Rail, l’intérêt majeur est que le plancher en solive correspond à la solution courante de la construction bois, et que le choix a été fait de scier l’OSB au droit des séparatifs. Ce n’est pas compliqué et l’effet et désormais mesuré. Pour la paille porteuse de Pleven, on peut saluer l’intérêt pionnier d’Acoustb qui vient faire des mesures par curiosité alors que le chantier est suivie par la maison-mère Egis. De même, pour la caractérisation des performances de terre crue BTC dans un projet permettant de multiples comparaisons, une sorte de relais, d’entraide et de complémentarité se fait jour entre des acousticiens concurrents mais solidaire. Si l’on ajoute que ces acousticiens projettent de travailler avec l’association IBC pour rédiger un livre blanc, on constate que le facteur humain est aussi déterminant dans l’équation imparable des solutions béton+laine minérale face à tout le reste.

Karin Le Tyrant attire d’ailleurs l’attention sur des situations où les mesures acoustiques sont conformes, mais où la construction bois est menacée pour des raisons acoustiques par l’impropriété à destination, notamment à cause de problèmes de toitures-terrasses. Aller vers la pureté de l’acoustique biogéosourcé, c’est utile et intéressant. Mais il ne faudra pas bannir forcément les bois d’ingénierie, les sylomers, les plaques de plâtre et leurs ossatures métalliques, voire la laine minérale.

Par ailleurs, comme le précise au Forum l’architecte Stéphane Cochet, les concepteurs ne partent pas de rien, il y a la bible des mesures de laboratoire Acoubois, il est possible de concevoir en biogéosourcé, d’associer si possible des acousticiens parfaitement ouverts aux nouveaux moyens, et de tirer profit des mesures sans risquer la catastrophe. Le travail entre les IBC et les acousticiens, longtemps cloisonné et contradictoire, prend ainsi à la fois la forme d’un rapprochement entre ingénieurs pour un livre blanc expliquant comment construire, et une proximité sur chaque chantier.

L’acoustique biogéosourcée n’en est qu’à ses premiers pas, et les acousticiens bas carbone développent également d’autres champs d’activité, comme actuellement le hors-site modulaire à la mode. Mais là aussi pourraient se cacher des solutions biogéosourcées.

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