L’histoire de CBS-Lifteam est une longue descente dans les remugles du Bâtiment. Au départ, il y a 30 ans, le jeune Français Jean-Luc Sandoz dispose du statut envié de Professeur à l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) aux côtés de Natterer. C’était à peu près ce qu’on peut avoir de mieux dans ce monde naissant de la construction bois à tous points de vue. A l’époque, un nombre impressionnant parmi les principaux acteurs et influenceurs de la filière française de construction biosourcée font la queue pour suivre des formations à l’EPFL auprès du tandem Natterer-Sandoz. Honoré lors du dernier Forum Bois Construction à Lille en avril, Olivier Gaujard cite Julius Natterer comme l’une des trois personnalités qui ont changé sa vie.
La vraie vie, quoi
A présent, c’est un entrepreneur qui fait vivre une bonne centaine de familles, à la merci du bon vouloir des maîtres d’ouvrages. Qu’a-t-il été faire dans cette galère ? Jean-Luc Sandoz n’a cessé de descendre dans la réalité du Bâtiment. Il dépose des brevets mais les charpentiers ne sont pas d’accord car ils considèrent que ces systèmes font partie intégrante du patrimoine ancestral. C’est la première leçon. D’ailleurs, personne ne veut se servir de ses brevets, tout le monde préfère produire à sa sauce, peu importe si ces brevets sont utiles ou pas. Têtu, Jean-Luc Sandoz quitte l’EPFL pour faire vivre ses idées et ses brevets. Il crée une usine en Savoie pour fabriquer ses systèmes. Mais ce n’est pas parce qu’il les fabrique qu’il va les vendre, en tout cas pas tout de suite. Donc, il doit fonder une entreprise de charpente pour mettre en œuvre ses solutions constructives, essentiellement en bois massif cloué et sans colle.
Montée à Paris
A ce moment-là, le paysage français de la construction bois se rend compte que l’un de ses acteurs dispose d’un bureau d’ingénierie hors pair, d’un site de production dernier cri, de systèmes maison élégants et brevetés et tout cela intégré dans une entreprise de construction bois. C’est la grande période de la première décennie du siècle, en France, la construction bois progresse comme jamais. Mais voilà, le site de production savoyard brûle, peut-être un incendie criminel. Suite à quoi le charpentier perd sa crédibilité dans les appels d’offre de la région Rhône-Alpes. Plus de production, plus de travail. En plus, on est en pleine crise financière.
Jean-Luc Sandoz décide d’aller chercher le travail là où il est, à Paris. Il crée la branche francilienne de Lifteam en 2012, il y a dix ans, tout en reconstruisant Ecotim en Savoie. Cette fois, avec son BE, ses brevets, son site, ses équipes, le groupe devient l’un des 20 grands acteurs de la construction bois en région parisienne, et en plus l’un des rares à s’établir en IDF.
Nouvelle leçon de chose
En Francilie, les constructeurs bois sont les dindons à plumer des entreprises générales ancrées dans le béton. Le patron de Lifteam comprend très vite et ajoute une audace de plus, il veut devenir une entreprise générale. D’autres charpentiers y ont déjà pensé, poussés par les penseurs de la filière qui prônent que la charpente doit acquérir ce statut. Mais ça ne marche pas du tout et dans le meilleur des cas, les charpentiers s’en tiennent à devenir mandataires de macro-lots. A marcher sur les plates-bandes des majors, on se trouve facilement marginalisé, d’autant que les majors se mettent à créer des pôles charpente de leur côté. CBS-Lifteam n’en démord pas. Après le gros creux de 2015 le marché francilien repart et il y a à faire. Lifteam devient pas à pas un spécialiste du TCE biosourcé, et on peut dire qu’il essuie les plâtres. Premièrement, où trouver des TCE avec ce profil et pas une tête de bétonneux ? Comment faire travailler des maçons en sous-traitance ? Comment diriger des travaux et de multiples sous-traitant dans ce marché totalement sauvage de Paris ? Avec la pandémie en sus ? Lifteam s’accroche et les deux prix régionaux de la construction bois 2023 pour les équipements sportifs de Vanves et pour les logements de la rue Paul Meurice à Paris récompensent bien plus qu’une belle architecture. Ils montrent que le TCE biosourcé est l’avenir de la construction en France.
Palmarès enviable
D’ailleurs, ces derniers prix s’inscrivent dans une liste exceptionnelle de reconnaissance au cours des dix dernières années, après une première mention dès 2003 avec le prix de l’innovation du Wall Street Journal pour les appareils de test non destructifs Polux :
2011 : Lauréat Prix Arfobois avec le Pôle Régional de Manifestation Agricoles d'Aumont-Aubrac en Lozère, conçu par Fabriques Architectures Paysages
2012 : Lauréat Prix National de la Construction bois avec ce Pôle Régional
2014 : Lauréat Prix National de la Construction bois avec le centre multiculturel de Saint-Jean d'Arvey, conçu par Vincent Rocques
2014 : Lauréat Prix de l'innovation du CSTB pour la surélévation d'un foyer de migrants à Paris, conçu par Marie Schweizer
2014 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois IDF, avec le Lycée neuf de Dammartin-en-Goële, conçu par Dottelonde et Associées Architectes
2014 : Lauréat Prix de la première œuvre, avec les logements sociaux de Montreuil, conçus par LA Architectures
2015 : Lauréat Prix ArchiDesignClub, avec ces logements sociaux
2015 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois IDF, avec ces mêmes logements sociaux
2015 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois en AURA avec le gymnase Hacine Chérifi de Rillieux-la-Pape, conçu par Tectoniques
2015 : Lauréat Prix World Award WAN pour ce gymnase de Rillieux-le-Pape
2015 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois en AURA avec les logements de Bellegarde, conçus par Atelier Richard Plottier
2015 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois de la Région Rhône-Alpes avec la Maison Laur du Lac Aiguebelette, conçue par Fabrique Architecte Paysage
2015 : Lauréat Prix CAUE 78 pour la Médiathèque de Verneuil conçue par PBO Architectures
2015 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois IDF pour le groupe scolaire Dorléac à Paris, conçu par DE-SO Architectures Associés, dans la catégorie « Transformation de l'existant »
2015 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois IDF, pour le groupe scolaire Ainmé Césaire de Bretigny-sur-Orge, conçu par TOA Architectes, dans la catégorie « Aménager l'intérieur »
2017 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois de AURA, pour le groupe scolaire Alice à Prévessin, conçu par CR&ON Architectes
2018 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois IDF, pour l'école Victor Schoelcher d'Epinay-sur-Seine, dans la catégorie « Apprendre et se divertir », conçue par Architectes JF Bridet
2018 : Lauréat Grand prix de la Tuile Terre Cuite pour le Pôle enfance de Vauvenargues à Paris, conçu par l'agence Kalus Roussel
2019 : Lauréat Prix National de la Construction bois, avec l'école La Ruche, dans la catégorie conçue par Tracks Architectes pour la Commune de Perthes-en-Gâtinais
2020 : Lauréat Prix Régional de la Construction bois Sud PACA, avec le Palazzo Méridia en R+9 à Nice dans la catégorie « Belle hauteur », conçu par Architecture Studio pour Nexity
2021 : Trophée Performance organisé par Les Coop'HLM, pour l'opération Woodway de 62 logements à Chanteloup-en-Brie, conçus par Séméio architecture
2021 : Lauréat Prix Lignum Suisse avec le Vortex, village olympique JOJ Lausanne, 1000 Logements étudiants, conçu par Itten&Brechbühl
2022 : Lauréat du Trophée du cadre de Vie, catégorie construction du festival fimACTE, pour les logements biosourcés Paul Meurice à Paris XXe, conçu par LA Architectures pour le Groupe Giboire
2022 : Lauréat du prix Bas Carbone Résidentiel, pour ces logements
2023 : Lauréat du Prix Régional de la Construction Bois, pour ces mêmes logements
2023 : Finaliste au Prix National de la Construction Bois, pour ces mêmes logements
2023 : Lauréat du Prix Régional de la Construction Bois, pour les installations sportives de Vanves, conçues par Explorations Architecture
2023 : Finaliste au Prix National de la Construction Bois, pour ces installations sportives
2023 : Finaliste au Prix National de la Construction Bois, pour le Gymnase de Papaïchton conçu par Franck Brasselet de JAG
Bref, le BE de Lausanne, le site Ecotim de Savoie et les équipes de mise en oeuvre de Paris, Romandie, AURA ou Guyane se démarquent sur les segments des écoles, des gymnases et installations sportives, des logements, bureaux, foyers, médiathèques etc., un spectre assez large complété par d'autres types d'ouvrages non primés à ce jour.
Résumons
L’équipe de Jean-Luc Sandoz, devenue internationale et multicontinentale avec une implantation en Guyane et une autre en Suisse, dispose de brevets pour toutes sortes de solutions constructives que les architectes apprécient. Il dispose d’un BE de très grande valeur capable de corriger par exemple le faux dimensionnement initial des équipements sportifs de Vanves. Le site de production d’Ecotim tourne, Les projets sont gérés en TCE biosourcé autant que possible, afin de ne plus jamais passer sous les fourches caudines des majors. La démarche de ce professeur Nimbus de Lausanne qui a préféré chercher toutes les difficultés est abondamment validée par la reconnaissance de cette multiplicité de prix. Bref, tout va bien, si ce n’est que Jean-Luc Sandoz est l’observateur le plus pointu de la catastrophe climatique en cours, l’homme du Kyoto 2, celui qui pose les bonnes questions.
A plus de soixante ans, le professeur Nimbus ferait sans doute bien de réorienter sa carrière vers la formation, les conférences voire la politique, car c’est un tribun et l’une de ses dernières conférences en Belgique, sur les déboires de l’épicéa, lui a valu une ovation. Oui, ce serait formidable qu’il fasse entendre la voie de la raison, qu’il aide à affronter la situation terrible actuelle de la filière biosourcée, sans langue de bois.
images dans l'ordre : Gymnase à Papaïchton, © JAG Architecture ; Logements rue Paul Meurice, LA Architecture © Michel Denancé ; Equipements sportifs à Vanves, Exploration Architecture, © 11h45