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Des prix des peupliers en baisse en 2023? |
La période historique que vient de connaître le peuplier est-elle en train de s’achever ? La question mérite d’être posée car il semble bien qu’un retournement de tendance s’opère depuis le début de l’année. Il faut dire que le peuplier a bénéficié d’une revalorisation tarifaire sans précédent ces dernières années, ce qui a incité les propriétaires à mettre de nombreux lots en marché (+45% de volumes supplémentaires aux ventes des experts forestiers en 2022 comparativement à l’année 2019).
Sur les sept dernières années, la progression des prix impressionne. Des bois blancs de 1 m3 à 1,5 m3, bien élagués sur 6 à 7 m et qui se vendaient autour de 50 euros/m3 sur pied en 2015, se négociaient sur la base de 100 euros/m3 jusqu’au 3ème trimestre de 2022. En moyenne nationale, des produits tout venant commercialisés sur pied 30 euros/m3 il y a une dizaine d’années se vendaient 60 euros/m3 en fin d’année dernière (voir tableau ci-dessous).
Un record a même été battu en juin 2022 lors d’une vente ONF de l’Agence Pyrénées-Gascogne. Un lot de la commune d’Estang (Gers) est parti au prix astronomique de 172 €/m3 sur pied (diamètre fin bout 20 cm). Cette coupe de 4,70 hectares, emportée par Garnica, comportait 1 673 m3 (volume unitaire 1,76 m3) de cultivars I 45-51 élagués à 6,50 m. D’après l’ONF, lors de cette adjudication exceptionnelle, la moyenne des peupliers commercialisés s’établissait à 110-120 /m3 sur pied.
Cet engouement pour le peuplier s’opère dans un contexte général où le bois manque alors que la demande progresse de manière linéaire. Le peuplier n’échappe pas à cette tendance mondiale et, en France, celle-ci est même accentuée par un phénomène structurel qui déséquilibre les marchés. La réalité est que les populiculteurs ont été échaudés par des années de disette caractérisées par des prix très bas sur pied.
Le résultat ? Une sérieuse démotivation pour planter. D’après le Conseil National du Peuplier (CNP), un total de 11 500 ha de peupliers étaient plantés en 1996. En 2014, l’effort annuel avait chuté à 3 000 ha avec cependant une légère amélioration récemment, puisqu’aujourd’hui le rythme annuel atteint 5 000 ha plantés (chiffres 2021). Ainsi, en un peu plus de 20 ans, quelque 41 600 ha de peupliers ont été rayés de la géographie hexagonale selon le CNP.
La conséquence est mécanique : la récolte a considérablement chuté s’établissant actuellement à environ 1 500 000 m3 contre le double à la fin de la décennie 1990. La pénurie c’est donc installée et le CNP prévoit un déficit de 300 000 m3 à 650 000 m3 de peuplier d’ici 2025. Et ce manque pourrait durer jusqu’à l’orée des années 2030.
Le paradoxe vient d’un certain nombre d’industriels qui n’ont pas hésité récemment à installer de nouvelles usines au cœur de nos bassins de production : Lacroix Emballage en Saône-et-Loire, l’association Thébault-Drouin dans l’Aube, l’Espagnol Garnica à Troyes. Ensemble, ces 3 nouvelles usines pourraient consommer annuellement quelque 500 000 m3, soit l’équivalent de 35% de notre récolte totale actuelle de peuplier.
Ces raisons structurelles, ainsi que la folle reprise de l’après-covid, suffisent à expliquer la flambée des prix du peuplier. Mais depuis le début de l’année, il semble que la fièvre tarifaire se soit fortement calmée. L’économie n’est pas au beau fixe, l’inflation persiste, des turbulences agitent la finance. Chez nous, les chiffres de la construction -autorisations et maintenant mises en chantiers- sont en forte baisse alors que les taux d’intérêts bancaires ne font que grimper.
Bien évidemment, cela a une influence sur le peuplier. De surcroît, un phénomène conjoncturel déstabilise encore un peu plus le marché. En effet, depuis fin 2022, Garnica, le leader du secteur en France, n’approvisionne pratiquement plus son usine de Samazan (Lot-et-Garonne). Celle-ci consomme en temps normal 300 000 m3 de peuplier. Or, Garnica a beaucoup acheté durant les trois premiers trimestres de 2022, l’usine tournait en 2 équipes par jour. L’information n’a pas été officialisée, mais il se dit que des changements d’actionnaires au sein du groupe auraient pu expliquer cette suractivité.
Or, depuis le dernier trimestre 2022, l’usine a considérablement réduit sa production et n’achète plus de bois. « Combien vaudraient aujourd’hui les peupliers que j’ai vendus 120 euros/m3 sur pied au printemps de l’année dernière ? », se demande un populiculteur de la Garonne. « 75 euros ? 80 euros ? et encore, à condition que je trouve un acquéreur. » Si Garnica n’est pas la seule société en France à acheter et à transformer du peuplier, son importance (l’équivalent de 25% de la récolte nationale), a cependant des conséquences sur l’état du marché. Les populiculteurs s’attendent donc à des prix révisés à la baisse dans les mois qui arrivent.
DEPUIS 2015, FORTE AUGMENTATION DES COURS DES PEUPLIERS Prix en euros/m3 sur pied et en bloc Source : Robert Wood d’après Experts Forestiers de France et Observatoire Économique France Bois Forêt |
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1 S. 2015 |
2 S. 2018 |
2 S. 2019 |
2 S. 2020 |
2 S. 2021 |
1 S. 2022 |
2 S. 2022 |
Évolution 1 S. 2015/2 S. 2022 |
Évolution 2 S.2020/2 S. 2022 |
32,06 |
39,93 |
43,78 |
39,93 |
50,47 |
56,10 |
58,86 |
+83,6% |
+47,4% |
Au 2ème semestre 2022 et par rapport au semestre précédent:
-le nombre moyen d’offres par lot baisse, soit 2,3 offres contre 3,1
-les volumes cédés en séance passent de 87% à 75%
-l’augmentation des prix fléchit, soit +4,9% en rythme semestriel,
alors que les cours avaient augmenté de 50% depuis début 2020