Le Covid-19 empoisonne les exportations françaises de bois

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RW/Fordaq
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Usines fermées, ports au ralenti, manque de containers, coûts du fret en hausse, expéditions en stand by… Le coronavirus n’épargne évidemment pas la filière bois et en particulier les exportateurs spécialisés sur la Chine. « Nous sommes face à une crise mondiale dont les conséquences systémiques bouleversent les échanges et perturbent grandement le secteur des transports maritimes », nous dit Emmanuel Groutel.

Dirigeant de Wood and Logistics Expert (Wale), ce spécialiste rapporte que le port de Shanghai qui emploie en temps ordinaire 90 000 personnes, a fonctionné au plus fort de la crise chinoise avec moins de 10 000 salariés. Dans le même temps, d’autres ports chinois ne tournaient qu’à 80% de leurs capacités. Alors que la reprise des activités semblent s’amorcer dans les industries chinoises, la chaîne logistique est rompue.

Cette crise mondiale hors du commun touche les exportations françaises de bois. Directeur de DSHwood France, une société qui commercialise plus de 50 000 m3/an de grumes principalement exportées sur la Chine, David Roy explique que la situation s’est singulièrement compliquée ces derniers temps. « Les exportateurs de bois viennent d’endurer trois événements consécutifs. Nous avons d‘abord dû subir une fin d’année chaotique avec la grève des transports qui s’est traduite, faute de manutentionnaires, par d’importants volumes de bois restés à quai, des chiffres d’affaires reportés et des lettres de crédit à échéances dépassées. »

Il y a eu ensuite le nouvel an chinois, un événement certes prévisible mais qui bloque chaque année l’économie chinoise pendant près de 3 semaines. C’est l’occasion pour les travailleurs des grands centres industriels de rentrer dans les campagnes pour visiter leurs familles. « Mais, poursuit David Roy, avec l’arrivée du coronavirus, de nombreux personnes confinées n’ont pu rejoindre leurs lieux de travail. Les usines n’ont pu redémarrer et les compagnies maritimes ont suspendu leur trafic depuis les ports chinois. »

Pour le commerce des bois, deux conséquences de taille découlent de cette situation inédite. D’une part, les ports européens et français manquent de containers. D’autre part, les coûts du fret maritime viennent d’augmenter considérablement. « Sur la destination France-Chine, un container de 40 pieds qui se payait 600-700 $ début janvier, vaut aujourd’hui 1000-1300 $ », constate un exportateur qui table sur une nouvelle hausse en avril. 

Les conséquences de ce doublement des prix frappent d’abord les produits d’exportation à faible valeur ajoutée. C’est le cas de l’épicéa. « Les résineux scolytés ne peuvent pas supporter une telle augmentation des coûts de transport. Des quantités très importantes sont en attente d’expédition avec un risque de forte dégradation des bois dès que l’hiver sera terminé », commente Nicolas Talpin.

Concernant le hêtre, cet exportateur gérant de la société AFG Bois estime que la saison est d’ores et déjà terminée. « C’est une de mes années les plus dures, je suis en train de vider mes stocks et je suis content que cela se termine car les marges se sont considérablement érodées. » 

De son côté, Michel Jacquin constate que les expéditions de hêtre sur le Maghreb se trouvent également affectées par l’augmentation des coûts du fret maritime. En revanche, le gérant de Bois 39 note une stabilité des commandes de frêne chez les utilisateurs vietnamiens. « Mais c’est un marché de prix très disputé qui est lui aussi impacté par la hausse des coûts de transport », estime cet exportateur.

Le chêne est sans doute l’essence qui résiste le mieux à la débandade générale, la demande chinoise demeurant dynamique. « En effet, beaucoup de nos chênes partent sur le port de Dalian, dans le nord de la Chine. Cette région rurale n’a pas été infestée par le virus. De plus, la plupart des travailleurs sont des locaux vivant sur place et qui n’ont donc pas été concernés par les interdictions de se déplacer à la fin du nouvel an chinois. Les usines ont donc tourné normalement et réclament du bois », indique David Roy.

Pour l’avenir, la question est évidemment de savoir quelles seront les conséquences sur l’économie générale des dernières mesures de confinement prises par les gouvernements européens. Pour leur part et à court terme, les exportateurs devront résoudre une délicate équation dont la double inconnue est logistique : au moment où l’activité repart en Chine, comment trouver des containers disponibles et jusqu’à quel niveau de prix ceux-ci peuvent-ils être loués pour transporter une matière aussi pondéreuse que le bois ?

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