Internat hors-site versus Géode à l'Isle d'Abeau

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Jonas Tophoven Fordaq
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Philibert Delorme, Isle d’Abeau, Fainsilber, quel pedigree ! Pas sûr que l’architecte de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, et de la Géode, ait conçu il y a 40 ans un lycée en référence à l’architecte de référence de toute la construction bois française. Le Lycée joue sur le béton réhaussé de verrières notamment au-dessus du long couloir central. Comme l’équipe d’Archipente fait partie de la garde des architectes biosourcés, elle aurait pu s’inspirer des Ateliers de l’Isle d’Abeau et prolonger le bâtiment avec un tas de terre, ou un cratère. Ben non, elle a fait tous ses devoirs d’architecte pour ce qui est de l’intégration au site, du respect du travail de Fainsilber, de l’intégration de la déclivité, de la protection de l’espace scolaire face au boulevard.

Quant à Delorme, Archipente a développé, à la faveur de plusieurs Marchés globaux de performances, à commencer par le collège Samuel Paty de Valenton, une grammaire constructive originale. En principe, c’est l’excellence même de la notion de hors-site, ce qui fait que ce terme n’est pas une tarte à la crème actuellement reprise même par le premier ministre. Archipente concourt à l’Isle d’Abeau en AURA vers 2018, au moment où Pascal Chazal et Ossabois à Noirétable ont déjà persuadé la région de demander du hors site dans ses commandes. Un internat de lycée ? C’est un marché typique pour Ossabois, mais l’option modulaire ne s’impose pas ici, d’autant qu’il faudrait trouver la façon de s’accorder avec le bâtiment existant. Du hors site, le projet d’Archipente l’est indéniablement. Pour les chambres, une approche bois 2D extrêmement tramée. Côté couloir, un sas technique cette fois conçu en mixte métal-béton afin de préserver notamment le bois des risques provenant des salles de bains de lycéens. A l’extérieur, les menuiseries en bois/alu comportent une ouverture qui donne sur une grille perforée que le travail du fablab parisien auquel participe Archipente va rendre le moins carcéral possible. Enfin, le brise-soleil s’inscrit également dans l’approche tramée efficace, et préfabriquée. Au dépouillement, cela retourne vers une construction béton avec du hors site bois. 

Au lieu de se gargariser de termes, on pourrait aussi se mettre dans la tête que le béton coulé en place est toujours moins cher, ne serait-ce que par les sous-maltraitances en cascade, et ne pas faire comme si. Edouard Molard : « Le problème est moins financier que le partage de responsabilité : en hors site, tu mets dans le même atelier le charpentier, le plaquiste, le plombier, le carreleur, et tu fais tout poser par la même personne… ça ne marche pas avec les artisans ». De toute façon, qu’est-ce qu’un prémur a à voir avec le hors site ? Dans le cas de l’internat, l’approche Archipente est typiquement du pensé 3D réalisé 2D. Et ce n’est pas plus mal. La rigueur tramée est compensée chez Archipente une fois de plus par des petites touches de poésie comme les larges ouvertures qui donnent la lumière à tous les trois occupants des chambres, sans exclusion, et surtout le dessin qui habille la façade sur rue et qui couvre la cage d’escalier à l’air libre. Edouard Molard regrette qu’il ne s’agisse que d’une extrapolation de Samuel Paty, mais pourquoi donc, on est à 400 km et ce motif est magnifiquement végétal. On comprend bien cependant que pour l’architecte, il ne s’agit pas de reprendre toujours les mêmes motifs. Dans ce cas présent, cela se justifie tout à fait et d’ailleurs, les tuyaux d’évacuation en inox s’ajoutent à la griffe. S’adjoint la coursive en origami qui constitue le rez-de-chaussée semi-enterré qui encaisse la déclivité. Lieu de passage protégé, préau, et certainement contrepoint à l’architecture sévère et métallique qui se déploie au-dessus.

Archipente installe des panneaux photovoltaïques et l’internat devient E4C1. Satisfaction en comparaison de Samuel Paty où tout a été préparé pour des panneaux mais avec une commande tardive et décalée. L’agence intègre comme personne les installations dans ses concepts d’architecture bois. Que voulez-vous, c’est l’école des Marché Globaux de Performance. L’internat du lycée Philibert Delorme devient ainsi un modèle pour l’AURA, pas loin du centre d’expérimentation de l’Isle. Et c’est une belle aubaine de pouvoir combiner les visites, en intégrant tout de même un regard sur l’architecture de Fainsilber.

Car il s'agit tout de même du premier internat en bois en France, avec en plus un chantier de référence pour le lancement du label Bois du massif central. 250 m3 de bois, 30dm3/m2. Un local de sommeil pour enfants ! Bravo pour le bon matériau au bon endroit, en maniant l'acier pour les résilles et l'escalier de secours notamment, le bois pour la coursive en origami, les menuiseries extérieures en bois-alu, les chambres, les placards de rangement en hêtre pour chaque enfant. 

 

Photo : Pauline Chauvet Architecte Archipente

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