Lettre ouverte à Stéphane Le Foll

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FNB
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Monsieur le Ministre,

Dans le cadre de nos échanges d’informations avec nos partenaires européens, nous avons fait un état des lieux des substances autorisées pour le traitement des grumes en vue de l’exportation à l’état brut à destination de la Chine et plus généralement sur pays tiers.

En France, seule la cyperméthrine est autorisée (Forester) pour cet usage alors que ce produit est interdit de longue date en Allemagne d’une part pour son inefficacité et, d’autre part, en vue de préserver les eaux souterraines en forêt compte tenu de la toxicité potentielle du produit en milieu ouvert, non contrôlé.

Cette information importante, couplée du constat d’immobilisme inhabituel de la DGAL et d’incapacité des agents de terrain à contrôler efficacement les conditions de traitement faute d’instructions, nous nous interrogeons sur la volonté et la capacité des services du Ministère de l’Agriculture à gérer ce dossier stratégique pour notre Filière.

L’instruction publiée au Bulletin Officiel du 9/07/2014 illustre cette gestion « molle » tout comme le retard inexpliqué de la publication des nouveaux taux de redevances phytosanitaires le 1er juillet malgré vos engagements.

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention, par son positionnement, sur la responsabilité selon nous inexcusable de l’Etat à sauvegarder à tout prix des mesures qui incitent les propriétaires forestiers à enfreindre des dispositions de base du cahier des charges de PEFC pour les produits phytosanitaires utilisés pour l’exportation des grumes.

Le cahier des charges du propriétaire forestier prévoit en effet à l’article « 3.e - Adopter des mesures de préservation de la biodiversité et de protection des sols et de l’eau : Proscrire l’utilisation de tout produit phytosanitaire (herbicides, insecticides, etc.) à moins de six mètres des cours d’eau et plans d’eau permanents, ainsi que dans le périmètre immédiat et rapproché d’un captage d’eau potable, ou lorsqu’il est susceptible de porter atteinte à un habitat remarquable identifié. En dehors de ces zones, ne pas utiliser ces produits, sauf en cas de nécessité avérée lorsque la vitalité et l’avenir des essences-objectifs sont compromis et qu’il n’existe pas d’alternative efficace à un coût raisonnable, et en faisant alors appel à une entreprise agréée DAPA (Distributeur et Applicateurs de Produits Antiparasitaires). Privilégier les dégagements mécaniques ou manuels par rapport aux dégagements chimiques, et les dégagements sélectifs et localisés plutôt que non sélectifs et en plein. ». Le propriétaire forestier doit faire respecter les termes de ce cahier des charges à tout intervenant dans sa forêt. De même toute entreprise certifiée PEFC est tenue de respecter ce même cahier des charges dans ses interventions en forêt certifiée. L’utilisation, en forêt, de produits phytosanitaires sur les grumes destinées à l’exportation, ne répond pas à une « nécessité avérée lorsque la vitalité et l’avenir des essences-objectifs sont compromis ». Selon le guide et la grille de contrôles PEFC ces non-conformités graves doivent aboutir dans le meilleur des cas à un avertissement suivi d’une exclusion immédiate en cas de récidive. J’imagine que vos services -actuellement si tatillons et conservateurs sur les questions juridiques lorsqu’il s’agit d’améliorer les modalités de ventes de bois- vous ont alerté des risques encourus. Qu’en est-il du rapport des ingénieurs généraux dont la transparence des résultats semble poser problème ? Enfin, et ce n’est pas la moindre des obligations, le règlement d’exécution (UE) n°945/2013 de la Commission du 2 octobre 2013 précise, pour la cyperméthrine, les conditions obligatoires pour autoriser son usage.

3 obligations ne peuvent être respectées en forêt :

- L’application doit être effectuée dans une zone confinée ou sur une surface rendue imperméable avec murets de protection

- Le bois fraîchement traité doit être stocké après son traitement sous abri ou sur une surface imperméable ou les deux,

- Les pertes liées à l’application du produit doivent être récupérées en vue de leur réutilisation ou utilisation.

Vous conviendrez comme moi qu’il est impossible de respecter ces obligations communautaires en forêt et qu’il est nécessaire d’en tirer sans délai les conclusions qui s’imposent.

Monsieur le Ministre, comme je vous l’indiquais, la situation de l’export de grumes est en pleine expansion et notre ressource est aujourd’hui soumise à la volonté de la spéculation des marchés internationaux. Nous souhaiterions vivement que le Ministère dont vous avez la charge en prenne conscience afin que ce trafic, mortel pour nos entreprises, soit combattu comme il se doit. Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.

Le Président, Laurent DENORMANDIE

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